Adieux, aïeux et aïe heuuuuu

     Bon ben voilà. Je laisse passer 4 semaines et ça fait encore tout plein de choses à raconter.
Alors, dans l'ordre chronologique:
 
     Mon réveillon du jour de l'an je l'ai passé à "Sourcils noirs". "Sourcils noirs" s'appelle "Sourcils noirs" parcequ'on y trouve des sourcils noirs. Ils sont comme çà les mecs qui donnent les noms aux lieux, pas du genre à se prendre le chou. Un sourcil noir c'est un albatros qui a les sourcils noirs, les scientifiques ils sont comme les autres, contrairement aux idées reçues, c'est pas le genre à se prendre la tête, notamment pour donner un nom original à un piaf. C'est un très bel oiseau, mais nettement plus petit que le grand albatros (ici on dit "alba").
     Pour arriver à "Sourcils noirs" on prend le chaland et ça dure 3 heures. Je pourrais me lasser depuis que j'y monte sur ce chaland, mais la baie est tellement belle, si vous saviez. On débarque au "halage des naufragés" (que je connais déjà, voir la manip à Phonolites), et là il reste 3 heures de marche. Et ça commence par un mur à grimper, un mur de 500 mètres de haut, pas de l'escalade non, mais une côte vraiment raide. Ben vous savez quoi ? On était 6 à la grimper la côte, je suis arrivé preum's, moi le plus vieux de la bande. Pas peu fier. Bon, certes, j'ai fait 2 arrêts cardiaques en cours de montée, mais les autres n'étaient pas frais non plus. Arrivés en haut, il y a un grand plateau, beaucoup de cailloux et là on se met à courir sans le vouloir: ben oui, le plateau il s'appelle "les hauts de hurlevent" (même remarque que tout à l'heure), ce jour là ça nous soufflait en rafales de plus de 100 km/h dans le dos.

    Et puis on arrive: on est sur le plateau, y'a un canyon, dans le fond 2 rivières qui s'y rejoignent, des petites chutes d'eau, des grandes bassines qui donnent envie de piquer une tête et, posé dans ce décor, un joli petit chalet. J'ai partagé ma chambre avec Mickaël (garage), Adrien (géophy) dormait avec Alexandre (ornitho) et Yohan (ornitho) tout contre Audrey ( microbio) - ces deux là c'est les Ken et Barbie de Kerguelen -. C'est donc avec eux que j'ai passé un réveillon bien sympa, mais quand les bouchons de champagne ont pété, c'est à vous, restés en métropole, que je pensais (ben oui parce que malgré tout le bon temps que je passe ici y'a des choses qui manquent, à commencer par la famille et les amis, ah oui et pis aussi les arbres, ah oui les arbres ça manque, y'a pas d'arbre sur Ker, elle me manque la forêt de l'Aigoual).sourcils-noirs.jpg
    On a donc manipé 5 jours sur les albas, les sourcils noirs principalement. A cette époque de l'année ils sont soit sur oeuf, soit sur poussin. Et du coup il restent sur leur nid, on peut s'approcher jusqu'à les toucher. On les fait se soulever un peu, juste pour voir si dessous c'est oeuf ou poussin et également pour voir un éventuel numéro de bague. Ils se laissent souvent faire très docilement, mais des fois pas, et alors ça pince très fort. L'alba a oublié d'être con, quand il pince avec le bec il ne pince pas sur le gant, il ne pince pas sur la manche, non non, il pince juste entre les deux, juste là où y'a un petit centimètre de peau à nue. L'alba est taquin (y'en a un j'ai fait copain avec, au bout de 5 minutes j'ai enlevé mes gants et à mains nues je lui taquinais le bec, il me taquinait la main, je vous jure que ces moments là, moi un alba sous ma main, la mer dessous et rien que du sauvage tout autour, ça le fait vraiment).

    Les sourcils nichent au milieu d'une colonie de manchots macaronis. Plus c'est petit, plus c'est méchant et le macaroni c'est le plus petit. Y'en a un qui m'a pincé jusqu'au sang à travers 4 couches de vêtements.FuligineuxIl y a enfin les albas fuligineux qui eux aussi restent sur nid quand on les approchent. Ce sont surement les plus beaux, ce sont aussi les plus sympas. Je ne vous ai pas dit mais tout ce joli monde niche sur des falaises. Donc quand on va de nid en nid il faut faire gaffe aux oiseaux, aux nids, au sol glissant, et pis surtout à pas se casser la figure. Des falaises y'en a des monstrueuses tout près de là, la plus haute à 2 heures de marche. Imaginez, un à-pic de 500 mètres de haut (497 exactement), vertical, qui plonge dans la mer. Je vous demande d'imaginer parceque sur la photo, on les voit pas bien les 500 mètres mais je vous assure qu'ils y sont. On ne s'approche pas du bord comme ça, on y va en rampant, et allongés là on se fait un grand frisson en laissant tomber un caillou qui se refuse pendant de longues secondes à faire plouf. Et comme le sol est extrêmement meuble (les pieds s'enfoncent là dedans), on reste pas trop longtemps au bord du trou de peur que tout ça ne glisse sans prévenir.
Falaises
    Je passe sur le retour de Sourcils noirs, très pénible. Mais c'est ma faute, je tenais à rentrer par un autre chemin, des cailloux pendant plus de 2 heures, on en vient à regretter les souilles dans lesquelles on s'enfonce jusqu'aux genoux.

    Le 8 janvier, OP 0, la première de 2007, j'ai dit Adieu à Audrey (microbio), à Christophe (écobio), à Mathieu (popchat), à Alex (poptruite) et à Stéphane (ornitho), rien que des vats qui vont manquer. Le "Marion" les déposera dans un mois à Punta Arenas, Chili, donc ils vont vite se consoler.

    Le 9, départ pour la baie de l'observatoire, en chaland. Tout petit je rêvais de devenir archéologue, ça y est, j'y suis. A la baie de l'observatoire se sont succédées des missions anglaises, allemandes puis françaises. La première au début du 20ème siècle, pour observer le passage de Vénus devant le soleil (d'où le nom, hein, baie de l'observatoire, non mais je vous jure que les mecs se sont pas foulés...). Bref, ces gens là ont laissé sur place des ruines, des détritus. C'est ça archéologue, fouille-m...,et c'est ce que j'ai fait pendant 10 jours, fouiller les détritus, dégager des poutres, des planchers, de la ferraille et des tessons de bouteille. Et avec plaisir encore.Archeologie

     Le but du jeu était de trouver assez d'indices pour déterminer si les ruines de la grande maison de bois sont d'origine anglaise, allemande ou française. Il y a dans la fouille archéologique un petit coté enquête policière qui est vraiment excitante. Voilà qu'on s'émerveille d'un encadrement de fenêtre qui tombe en miette, d'une poignée de porte pourrie de l'humidité du sol et le plus souvent d'espèces de machins tellement rouillés qu'ils ne sont plus identifiables, mais dont il va falloir pourtant tirer quelque chose. J'ai pris mon pied. On dégage les objets en raclant à la spatule, des fois au pinceau et, quand ça prend vraiment la tête,...à la pioche ! Bon on a trouvé de quoi reconstituer 850 bouteilles (à peu de chose près) mais pas une n'était pleine. Ah si tout de même, une fiole, encore bouchée, qui contenait un liquide que les archéos auront à analyser de retour en métropole. (ca peut étonner le nombre de bouteille, les montagnes de tessons, mais la mission allemande était subventionnée par...un brasseur !!). Sinon j'ai aussi trouvé un drôle de truc en métal, on dirait un lustre, purée, l'enquête avance.
    Mon équipe se composait de 8 personnes dont 3 qui fouillent, 1 cuistot, 1 topographe, et 3 personnes qui s'occupent du site internet (!!!). Justement, on m'a demandé d'écrire un petit truc sur ce site, voilà ce que ça donne :

Pincez-moi, je rêve !

      Arrivé à Kerguelen pour y pratiquer mon métier de météorologiste dans des conditions tout à fait uniques, voilà que les événements et les rencontres me permettent - cerise sur le gâteau - d'y vivre un rêve de gamin : devenir archéologue. Et c'est sous la Direction de Jean-François, encadré sur le terrain par Alexandra et armé d'un seau et d'une truelle, que j'ai fait mes premiers pas dans la profession. L'archéologie à la Baie de l'Observatoire - oubliez tous vos fantasmes - ça commence par du jardinage, je veux dire le défrichement du terrain. Lentement apparaissent, libérés de leur gangue d'aceana, les poutres et les fermes, ce qu'il reste d'une fenêtre, d'un tonneau. On se prend vite au jeu et on veut en savoir plus, vite. Qui occupait cette maison ? Qu'y faisaient-ils ? Combien de temps sont-ils restés ?... Il y a les réponses que les pros de l'équipe ArchaeObs ont la patience de me donner et celles, évidemment, qu'ils sont eux-mêmes venus chercher.
     Alors, en espérant les aider, je fouille, je gratte, je racle mais, il faut se rendre à l'évidence, je remplis des seaux de terre avec la sale impression de n'avancer à rien. Oui, mais, des fois, je fouille, je gratte, je racle et là, je trouve !
Pour l'instant, un truc et un machin, et j'en suis très fier. Le truc est de toute évidence une tête de lit en métal. Le machin est de toute évidence. un drôle de machin, que personne encore n'a réussi à identifier. Paul, le topographe, a de son côté découvert une jolie fiole, bouchée, qui contient encore un étrange liquide jaunâtre. Inutile de vous dire que je suis extrêmement jaloux. J'ai l'air de quoi, moi, avec mon machin ?
     Bon, là, il faut que j'y aille. Nous sommes en train de mettre à jour un plancher. Avec le vent qui souffle en rafales fortes, la terre poussiéreuse vous rentre dans les yeux, dans la bouche, mais, allez comprendre, c'est plein d'excitation que j'y retourne." 


    On est rentrés le 19. Le 19 janvier c'est mon anniversaire, l'an prochain vous n'aurez pas d'excuses si vous oubliez. Ceux qui n'ont pas oublié c'est les trente personnes de Paf qui m'avaient préparé une fête, rien que pour moi. Une fête pour de vrai, apéro puis barbecue, le pateux m'avait préparé un super gâteau au chocolat, et puis les cadeaux, plein de gens qui me disent qu'ils m'aiment, wouaouh. Et puis il y a eu LE CADEAU de la soirée. On est sortis, nuit noire, étoilée comme jamais, et là plein sud, une comète ! (comète Mc Naught, visible uniquement depuis l'hémisphère sud) Personne n'était au courant ici. Et on est restés de longues minutes à en prendre plein les yeux, ça c'était vraiment un instant fabuleux. Une énorme étoile et un panache (on dit une queue je crois) de toute évidence de plusieurs millions de kilomètres de long, pas un nuage pour gâcher ça. Ce doit être ce qu'on appelle un cadeau du ciel (Quentin, Lucie, une comète le jour de mes 35 ans, qui c'est le plus fortiche ?).Comète, dommage photo pourrie     On a filé à Totoche, je suis arrivé le dernier, ils m'ont fait asseoir et ont projeté sur grand écran un diaporama consacré à moi. La vedette je vous dis !
    C'est à la fin du diaporama que je me suis retourné, pour dire merci à tous. Enfin moi j'avais la volonté de me tourner, tout mon corps aussi, à l'exception notable de la rotule de mon genou gauche. Comment dire, c'est très désagréable cette sensation d'avoir un morceau de soi pas dans le bon axe. Et puis aussi ça fait très mal (ca doit rappeler quelques souvenirs à 2 d'entre vous, une partie de tennis que j'ai fini dans le camion des pompiers, il y a 20 ans, mais là c'était le genou droit). Une luxation donc, et aux dernières nouvelles il semblerait que je me sois, cerise sur le gâteau, bousillé les ligaments croisés. Depuis je marche sur béquilles, une atèle sur la jambe. Le docteur de Paf attend l'avis d'un spécialiste de La Réu.
     Donc depuis 1 semaine j'ai le moral dans les chaussettes. C'est la fin de mes sorties en manip pour quelques semaines au moins, voire jusqu'à la fin de mon séjour. Remarquez je ne m'ennuie pas: l'après-midi je tiens compagnie à Roland EDK (pied cassé), Jean-Marie garage (genou vrillé lui aussi), Richard météo (perte de 4/10ème de la vue de l'oeil droit), Eric (pouce écrabouillé) et depuis 2 jours Sarah ArchaéObs (violents maux de ventre) et Alex ArchaéObs aussi (doigt tout pourri). On prend le thé et on cause chiffons.
 
Bises à tous et toutes
(vous z'en faites pas, ça va quand même)
Didier






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