L'Astrolabe est dérouté.
(26 décembre 2013)
L'océan - on l'imagine un peu quand on n'a jamais navigué et on le ressent fort après des navigations de plusieurs jours – est une aventure à lui tout seul. Je ne sais pas si le danger, celui qui peut tourner réellement au drame, est plus grand encore sur l'océan antarctique que sur les autres. Peut être en tout cas à cause de la rareté du trafic maritime, c'est à dire la difficulté à être secouru en cas de gros pépin.
L'Akademic Shokalski est un navire russe, affrété par une compagnie américaine. Ce bateau, qui transporte scientifiques et touristes, vient de lancer un appel de détresse. On ne sait pas grand chose si ce n'est qu'il semble ne plus pouvoir se diriger et qu'il serait donc en « errance » dans une zone où les icebergs parfois hauts de plusieurs dizaines de mètres et longs de plusieurs centaines, errent eux aussi. On peut imaginer ce qu'il peut advenir d'une rencontre entre ces monstres de glace et un bateau qui, quelqu'en soit la taille, n'est guère plus dans ces conditions qu'une coquille de noix (le genre de rencontre qui fait de jolis films américains pleins de beaux sentiments, avec des héros qui se prennent pour les rois du monde certes, oui mais là c'est la vraie vie de vrais gens qui se joue).
L'Aurora (navire polaire australien qui a le même rôle que l'Astrolabe), le Xue Long ("Dragon des neiges" en français - big navire chinois) et le désormais célèbre Astrolabe viennent de se détourner de leur route pour porter secours à ce navire et évidemment à ses passagers et son équipage.
L'Astrolabe était déjà, à réception de l'appel, à plus de 1100 km de la Terre Adélie. Il a donc dû faire demi-tour. A l'heure où j'écris j'imagine qu'il approche vraiment du navire en difficulté, pas si loin de DDU (par 66,52 S et 144,19 E). De manière plus anecdotique, mais quand même, les passagers de l'Astro qui pensaient être de retour en Métropole pour Noël, auront finalement fêté le petit Jésus mais aussi le nouvel an à bord. C'est forcément un peu de déception pour ceux qui rentrent, et une attente supplémentaire encore pour les familles qui languissent du retour de leurs héros polaires, ceux de la 63.
Je voulais vous raconter ça parce que je suis à peu près sûr que Jean-Pierre Pernaud - dont je ne mets pourtant pas les grandes qualités journalistiques en doute – vous a plus parlé à midi sur TF1 du dernier charretier-tourneur-boulanger de Trifouillis-les-3-bouzes que de la solidarité qui unit en ce moment quelque part sur la planète des hommes russes américains australiens chinois et français, loin de la France des années 50.
J'ai pris conscience il y a quelques années que la vie dans les terres australes nous réapprend à exprimer quotidiennement et spontanément des valeurs humaines saines, - la solidarité, le partage… - dans un autre cadre que celui du grand barnum du téléthon et, plus généralement, des appels à dons véhiculés par nos chers médias. Il ne faut pas désespérer de la nature humaine car cela existe aussi sur les océans et j'en suis sûr en Antarctique, dans les plaines de Sibérie ou les dunes du grand désert saharien.
(Un grand merci à Patrice pour les infos et le suivi des infos).
Et, trois jours plus tard, voici l'info au JT.