(publié le 7 octobre 2014)
Les réponses aux principales questions posées dans vos commentaires
- Et le léopard de mer, il mesure combien l'asticot ? Il semble impressionnant. (De Guillaume, impressionné, qui doit pourtant avoir son lot de monstres marins du côté de la Californie)
Tant que la banquise est aussi étendue, nous n’avons aucune chance d’apercevoir un spécimen de léopard de mer. Mais j’ai eu la chance d’en observer un longuement au cours de mon séjour à Kerguelen. Sur les photos, vous aurez une petite idée de la taille de la bête.Vous m’excuserez de ne pas avoir posé tout à côté pour faire l’échelle : les rangées de dents bien visibles de l’animal sont assez dissuasives. A vue de nez il devait faire 3 mètres (mais il parait que les femelles peuvent atteindre 4.50 m, gentil-gentil le toutou).En 2003 une plongeuse a été tuée par cette bestiole à proximité d’une base australienne, je crois que c’est le seul cas mortel connu. Certains anciens hivernants racontent que, lors de balades sur la banquise fine, ils entendent ces animaux taper contre la glace (par en dessous) en espérant la briser, pour pouvoir les gober (t’inquiète pas chérie, la banquise fait actuellement plus d’1m50 d’épaisseur, même pas peur).
Quant à ta question Church (ces notothénioïdes sont-ils comestibles ?) j’en sais rien mais il parait que le léopard se pose une question similaire : ces hominidés sont-ils comestibles ? C’est peut-être pour ça que le léopard de mer est peu étudié, et donc peu connu.
- Je suppose que seuls les professionnels ont le droit de plonger, ou bien un mec normal bien qu'un peu fou a t’il le droit à un tour de manège?
Le fait est que seuls les pros plongent. Ceci étant c’est peut-être aussi parce qu’aucun autre hivernant ne possède de brevet de plongée (forcément nécessaire pour des raisons de sécurité). A Kerguelen par exemple une hivernante avait fait une plongée « loisir » accompagnée par les « pros ». Ça t’intéresse Lucie ?
- Bon, alors tu nous dis que t'es allé en vacances, mais on ne sait pas où ? Vers une base étrangère voisine, russe, américaine, chinoise ? Il y a le choix, la plus proche étant l’Italienne « Mario Zucchelli »
En voilà une question intéressante Church. Et tu pourras te vanter de m’avoir fait bosser plusieurs heures pour te répondre. Donc je résume la question :
- Où passer ses vacances lorsqu’on hiverne en Antarctique ?
Tout d’abord je souligne que les avions ne circulent pas l’hiver et que les engins terrestres (en ce qui nous concerne en tout cas) n’ont pas l’autonomie suffisante pour rejoindre une base ennemie étrangère. Il faudra donc partir à pieds, les manchots rechignant à jouer les canassons.
Church je te laisserais te diriger seul vers « Mario Zucchelli », la base italienne située à 1.000 kms. Car si c’est la plus proche, c’est aussi une des nombreuses bases « saisonnières », c’est-à-dire occupée uniquement l’été (nous n’y sommes pas encore). T’auras l’air malin, après plus de 1000km de balade, en trouvant porte close (Ah ben tiens voilà une autre question intéressante : « les italiens ferment-ils la porte à clés en quittant leur base à la fin de l’été ? »).
Bref la plus proche des bases susceptibles de nous accueillir est la base de Concordia (un peu plus de 1.100 kms) mais pour le dépaysement vous repasserez car c’est une base franco-italienne. Pour du plus exotique, rejoindre Casey, base australienne, où une vingtaine de surfeuses blondes nous attendent (une année d’hivernage c’est une sacrée usine à fantasmes).
J’ai passé quelques heures à légender la carte ci-dessous. Je n’y référence que les bases ouvertes l’hiver + la base saisonnière « Princesse Elisabeth » pour que les Belges s’y retrouvent + « Mario Zucchelli » la base italienne pour Church, ces 2 dernières en bleu). Le nombre d’hivernants affecté à chaque base apparait en rouge.
Vous remarquerez qu’1/3 des antarcticiens (antarctiçois ?) sont américains. Ils occupent la plus grande base (Mac Murdo, 250 habitants l’hiver, environ 1000 l’été) dont certains disent qu’elle accueille un Mc Do !!! (mais il semblerait que ce soit un fast food, pas de chez Mc Do). La plus petite base est occupée par…2 hivernants chiliens (au secours !!!). La plupart des bases ouvertes toute l’année se situent en bord de mer, seules 3 sont implantées profondément à l’intérieur du continent :
- La base « Amundsen-Scott », américaine, est exactement implantée au pôle sud géographique (75 hivernants qui se demandent ce qu’ils font là).
- La base russe « Vostok » où a été enregistrée la température la plus basse sur terre :-89°2 j’veux-pas-y-aller (13 hivernants qui regrettent le bon vieux temps du goulag).
- La base franco-italienne « Concordia » où sont notamment effectués les carottages de glace qui nous permettent d’en savoir plus sur le climat des … 700.000 dernières années (13 à table, dont la moitié italiens, comment voulez-vous que l’hiver se passe bien ?).
Avec 1052 habitants pour un territoire grand comme 2X l’Australie, les vacances prises dans le coin seront en tout cas très très calmes, blanches et fraîches aussi, même en été.
Personnellement j’ai d’autres projets…
- Et ceux qui prolongent (pas toi, j'espère!), ils restent sur place pour une année en plus ?
Personne ne séjourne 2 ans à DDU. Mais les ornithos restent environ 16 mois, ce qui est déjà énorme quand on a 25 ans et un taux de testostérones en rapport.
Quant à moi je me contente d'un séjour d'un peu plus de 12 mois. Et puisque nous parlions de projets à la réponse précédente (whouaaaa il est quand même drôlement bien fait ce « réponses à tout » hein) : je serai de retour dans le monde civilisé fin décembre, si tout va bien. Après une petite halte touristique en Tasmanie puis dans le sud australien en compagnie de ma chérie, après un stop en solo à Singapour, je serai de retour dans notre bonne vieille Europe en Février. As-tu gardé une place libre dans ta chambre d’amis Church ?
- Je prends le risque de parier sur une absence de débâcle, une absence d'avion, donc une année supplémentaire au frais.
Heu t’es gentil DomDom (gérant postal de la TA60) mais moi j’ai d’ores et déjà réservé la Tasmanie, le sud australien, Singapour et une place dans la chambre d’amis d’un ami.
Mais le fait est que les dernières nouvelles reçues des satellites ne sont pas encourageantes. D’une part les dernières mesures semblent indiquer que la banquise affiche à l’heure actuelle et en moyenne plus d’1m50 d’épaisseur. D’autre part la polynie, que l’Astrolabe espère atteindre, se situe à plus de 70km de la base. Enfin, cette polynie n’est quasiment pas accessible en ce moment, le pack (glace dérivante) qui l’isole de l’océan étant large de plusieurs centaines de kilomètres. Il va nous falloir des mégas-tempêtes pour venir à bout de tout ça. Church, tu peux me garder ta piaule jusqu’en mars/avril ?
- On sent bien que tout le monde commence à se réjouir que la "super expérience enrichissante" touche bientôt à sa fin. Robinson Crusoe, c'est bien, mais pas trop longtemps. Alors haut les cœurs, plus que 3 mois, ou même un peu moins maintenant.
Personnellement je suis assez content, effectivement Loulou, de rentrer en décembre. Le séjour se passe encore très bien mais j’ai le sentiment d’avoir «fait le tour », d’autant plus après les dernières balades effectuées (je vous narrerai ça dans un prochain post). Mais je ne suis pas forcément représentatif des hivernants.
Certains restent jusqu’en Mars. Nous serons 9 sur les 25 de la TA64 à rentrer en décembre.
Sans se réjouir forcément de notre prochain retour, on en parle souvent désormais d’autant plus qu’on reçoit de plus en plus de nouvelles de la métropole. Tiens par exemple ci-dessous la photo « officielle » de la TA65, nos successeurs donc.
Ils sont jeunes ils sont beaux, et je les aime d’autant plus que ce sont eux qui vont me tirer de ce trou !
- Suivez-vous aussi d'autres animaux là-bas? (d’Isabelle, lectrice étourdie)
Oui Isabelle j’ai abordé ce thème dans l’article consacré aux ornithos (Allez jeter un œil dans la rubrique « les métiers de DDU »). A peu près toutes les espèces d’oiseaux sont étudiées. Le phoque de Wedell également, et en ce qui le concerne on arrive à la pleine saison. Très bientôt on va nous mettre à contribution pour faire des comptages d’individus sur les quelques km² de banquise entourant DDU. Encore quelques belles balades en perspective.
De Coralie, s’inquiétant des 100% de mortalité (on y est presque) des jeunes manchots empereurs :
- Je me demande combien de temps (combien de générations) une espèce peut mettre pour s'adapter (ici, en l’occurrence, pour comprendre qu'il faudrait aller pondre ailleurs et pas à cet endroit qui ne convient plus ni aujourd'hui, ni probablement à l'avenir)...
Tout d’abord il est un peu tôt pour dire que l’endroit ne convient plus à la reproduction des manchots. 2014 aura effectivement été une année noire, aussi bien pour les Adélies que pour les empereurs, mais cette année fait pour l’instant figure d’exception. Et c’est peut-être justement pour ça que les empereurs sont dans une sacrée panade : Ils peuvent effectivement « choisir » de rester là où ils ont toujours été (derrière les ilots de l’archipel). Il y a alors un risque pas négligeable que la débâcle n’arrive jamais à proximité et ça en sera alors vite fini de le manchotière de DDU. Mais si ils « décident » de nicher plus près de la mer libre et d’y élever les petits, il prennent cette fois-ci le risque de la débâcle. Et un petit pas mature à l’eau, c'est un petit mort.
On voit que même si ils avaient « conscience » de leur malheur, ça ne donnerait pas aux manchots la solution nécessaire à leur survie.
J’ai toutefois posé ta question (Combien de générations peuvent mettre les empereurs pour comprendre que l’endroit ne convient plus) aux ornithos. La réponse c’est que les scientifiques n’en savent rien.