PJd'A, avant d'y être, on vous en parle, mais on ne vous en parle que pour évoquer ce port. Pjd'a est situé sur la presqu'île Jeanne d'Arc, un territoire suffisamment grand pour ne pas être parcouru en quelques jours. Ont suivi 3 jours de temps relativement clément qui m'ont permis d'en avoir un tout petit aperçu.
Je me suis d'abord aventuré vers le canyon du charbon. Ca grimpe tout de suite, ça devient rapidement vertigineux,le sol est très meuble et j'espère que tout ça, avec moi dessus, ne va pas glisser dans le ravin. Bon ça tient, jusqu'au sommet. De là haut, vue 3 étoiles sur le golfe et les îles. En contrebas, les cascades sont magnifiques. Je redescends par le fond du canyon, enfin j'essaye, quelques passages sont périlleux. Quelques trous d'eau appellent à la baignade, mais la température de l'eau, elle, appelle à la réflexion: je remets çà à plus tard. Retour à la maison.
Ca n'est pas le premier soir que j'ai vraiment ressenti le froid. Je pense que c'est vers le 3 ou 4ème jour que c'est devenu vraiment pénible. Il n'y a qu'un radian pour chauffer ces pièces immenses et encore n'est-il allumé que 2 heures par jour. On reste donc très couvert à l'intérieur. Et puis la température extérieure, au fil des jours, s'est mise à baisser. Oh pas bien bas, ça devait être entre -2 et 0°. Le problème c'est que c'est aussi la température à l'intérieur. Dès qu'on reste immobile on sent le froid qui pénètre sous les vêtements et la seule façon de m'en débarasser était de me glisser dans mon duvet (duvet+sac à viande+thermolactyl). J'ai donc fait des siestes tous les jours! Rapidement l'eau a gelée dans la conduite d'arrivée. Au meilleur de la journée un mince filet d'eau coulait encore, pas assez pour enclencher le chauffe-eau, ce qui explique le petit nombre de douches - va te laver avec de l'eau à 0 degré... Oui, oui, 0 degré, je le sais, parce que les derniers jours, quand on se levait le matin, il y avait une pellicule de glace dans les bassines. Le soir, on mange à la lueur des bougies. C'est très romantique,...le premier soir.
Nicolas (le deuxième manipeur, nous sommes trois à PJd'A) a repéré des éléphants de mer à 3 kilomètres de là, ce sera le but de ma deuxième balade. C'est très agréable de sortir, on se réchauffe vite en marchant et le paysage est toujours aussi beau. Je regrette d'avoir choisi les chaussures de marche plutôt que les bottes au moment de franchir un petit torrent. Et puis j'arrive au "halage des swains" une langue de terre qui sépare la baie de l'océan, et qui fait que la presqu'île n'est que presque une île. C'est là que m'attend, effectivement, la famille éléphants de mer. Un gros mâle (pacha), 5 ou 6 femelles et 4 petits. Ceux-là, avec leur mètre de longueur et leur 40 kg ne sont nés il n'y a que quelques heures. Un bonbon (bébé éléphant), ça aboit, comme un chien, et ça reste tout près de sa mère. Le pacha, lui, s'en fout un peu. Son truc à lui c'est les gonzesses: un pacha digne de ce nom ça possède un harem qui peut dépasser parfois plus de 100 femelles (!!) donc forcément ça a autre chose à faire qu'à s'occuper des chiourmes. Un pacha pas digne de ce nom, c'est celui qui a pris sa grosse rouste dans un combat féroce avec un de ses congénères, ça saigne parfois de partout, et alors c'est tintin pour le harem. On peut s'approcher tout près des petits, des mères aussi, mais il faudrait être un grand malade pour s'approcher d'un pacha, même d'un perdant (4 à 5 mètres de long, plusieurs tonnes, pas que de la graisse, loin de là).
Enfin, il faut bien que je vous parle de la rando que j'ai fait avec Nicolas. Ca grimpe fort là aussi, mais beaucoup plus longtemps. Je m'aperçois vite que je manque d'entrainement. La végétation disparait pour laisser place au pierrier. Et ça grimpe toujours. Bientôt de la neige au sol, par plaques, puis de la glace. Le temps n'est pas top, beaucoup de nuages, mais y'a pire. D'ailleurs ça va venir. Bon, honnêtement, je n'étais pas tout frais quand je suis arrivé au sommet du mont du refuge. "Sommet", ça va vous faire rire quand vous connaitrez son altitude - 614 mètres.Oui, sauf qu'ici, c'est Kerguelen. Il y a sur cette planète des terres civilisées et d'autres vierges. J'ai vu ici des montagnes sauvages qui tranchent singulièrement avec nos montagnes domestiquées. A Ker, pour grimper à 1000 mètres il faut déjà être un alpiniste chevronné.
C'est en poussant vers le mont des lichens, sur le bien nommé plateau des vents, que le blizzard s'est levé. On marche face au vent, la neige cingle le visage, on n'y voit plus rien, il est où, le mont des lichens ? Et il faut faire un effort pour se persuader que si, malgré tout, on ne marche en ce moment qu'à une altitude de 550 mètres, quand on se croirait à 2500 (ou à l'Aigoual, qui n'est pas tout à fait domestiqué). On arrive enfin à ce second sommet (603 mètres!!), ça se dégage, et c'est l'océan qui se dévoile et les falaises qui s'y jettent. Et d'autres falaises, à l'est, vers lesquelles nous nous dirigeons après une petite collation. Elles sont abruptes de plusieurs centaines de mètres et tout au fond, un lac glacé.
Et je ne pourrai pas vous faire profiter de çà, car les photos ont leurs limites.
Sur le retour le blizzard remet ça, mais cette fois-ci le vent dans le dos. On s'enfonce dans la neige, parfois jusqu'au genou, là où tout à l'heure il n'y avait presque rien. Avec la descente, le soleil est de retour, je laisse filer Nicolas, ces jeunes ont la santé. Je profite de la verdure retrouvée pour m'allonger un peu - ici pas d'oiseaux - et profiter d'une vue plongeante sur la baie.
Ca a été ma dernière balade (plus de 6 heures de marche tout de même), ensuite le temps s'est vraiment détérioré. J'ai encore aidé popchat dans deux manip: tous les 100 mètres, répertorier la végétation sur une longueur (transect) de 2700 mètres. Je retiens de cette manip que l'acaena est très présente dans le coin, l'acaena est une plante rampante et moche qui ne ressemble à rien et là vous n'avez rien raté (oui c'est cà, c'est comme un vilain gazon). Il y a eu enfin sur le retour, la manip de la mort, la manip sherpa. Il s'agit simplement de ramener les pièges à chat à la maison. Un piège ça pèse environ 10 kg, on t'en met trois sur le dos et c'est parti pour trois kilomètres. Tu marches dans les souilles, c'est un peu comme un marécage avec donc de l'eau partout, en général pas plus de 7 à 8 cm d'eau, oui mais des fois 50 cm d'eau. Le jeu consiste évidemment à éviter les trous de 50 cm. Les cages ont une bonne prise au vent, et même si il est de 3/4 arrière, la progression est parfois pénible.
Bref, j'arrive complètement cassé.
Au septième jour nous devions rentrer sur Paf. Le pilote du chaland, devant la mer déchainée et le manque de visibilité s'est arrété une nuit sur l'île longue, bien avant Pjd'a, pour se mettre à l'abri de la tempête. J'ai attendu pratiquement tout le jour dans mon duvet, à ce moment là, le froid qui régnait dans la maison devenait vraiment dur. Le huitième jour, enfin, le chaland était de retour. Embarquement des touques, des bagages, retrouvailles, embrassades, rigolades. A mi-chemin l'alarme incendie se déclenche dans la salle des machines, petite panique à bord. On rentre sur un seul moteur.
Les dauphins sont là.
Bises à tous.